Le livre blanc en résumé
L’ouverture des données de la commande publique a été rendue obligatoire le 1er octobre 2018. Depuis cette date, les acheteurs publics doivent publier les données essentielles de leurs marchés publics et de leurs concessions dont le montant est supérieur à 25 000 € HT sur leurs profils d’acheteur.
Le projet SCOPE (Source de la Commande Publique Ouverte Pour les Entreprises) a pour ambition de rendre les données de la commande publique ouverte en créant un point d’accès unique et dématérialisé pour la diffusion et l’échange des données de marchés publics à l’échelle d’une région, l’Occitanie. Lauréat en 2017 d’un financement Programme d’Investissements d’Avenir (PIA), ce projet piloté par la plate-forme régionale des achats de l’Etat (PFRA) d’Occitanie entend aller au-delà de l’obligation réglementaire d’ouverture des données d’attribution des marchés publics.
Lors d’un événement organisé et piloté par Datactivist, le projet SCOPE a réuni le 4 juin 2019 à Toulouse différents acteurs de la commande publique (acheteurs publics, entreprises répondant à des procédures de marchés publics, éditeurs de profils d’acheteur, représentants institutionnels…) afin d’avoir une réflexion prospective sur l’ouverture des données de consultation des marchés publics. La philosophie qui a animée cet événement visait à rendre possible et à mettre en valeur des convergences entre des acteurs appartenant à un écosystème complexe, aux intérêts parfois contradictoires et disposant de peu d’occasions d’échanges.
Trois obstacles qui freinent l’ouverture des données de la commande publique
La journée du 4 juin 2019 ainsi que des entretiens menés auprès de praticiens de la commande publique ont permis de dresser un constat partagé sur la situation actuelle de l’ouverture des données de la commande publique.
Trois principaux obstacles à l’ouverture des données ont ainsi été identifiés.
Le premier frein réside dans une approche philosophique incomplète de l’open data de la commande publique impulsée par l’Etat. A ce jour, l’ouverture des données de la commande publique se limite à une obligation réglementaire : ouvrir les données d’attribution des marchés publics dont le montant est supérieur à 25 000 € HT en publiant obligatoirement, depuis le 1er octobre 2018, les données essentielles de la commande publique (DECP). L’open data de la commande publique, simple obligation réglementaire, n’est alors pas encore perçue comme véritable enjeu de politique publique. Dans ce contexte, l’ouverture des données de consultation demeure à un stade de prospection.
Le deuxième obstacle réside dans l’écosystème de la commande publique. L’open data fait son entrée dans une matière complexe, en pleine transformation numérique, et ce avec très peu voire une absence de conduite du changement. L’open data des données de consultation risque ainsi de bouleverser un système économique établi dans lequel ces données peuvent se monnayer. En outre, ces données, au statut juridique encore flou, peuvent se recouper avec des données protégées par le secret des affaires ou des données personnelles, ce qui rend l’acheteur public frileux à leur ouverture. Enfin, les différents systèmes d’informations utilisés par les acheteurs dans toute la chaine d’un processus d’achat sont un frein à l’interopérabilité qui demeure la clef d’une stratégie d’achat public basé sur la donnée.
Le troisième obstacle, quant à lui, réside dans un difficile ancrage de l’open data dans l’univers de la commande publique. Cette matière, complexe, demeure difficile à appréhender sous l’angle de la donnée. L’acheteur public a du mal à percevoir ce qu’elle pourrait lui apporter de bénéfique et la voit davantage comme une contrainte supplémentaire plutôt que comme une ressource pouvant renforcer l’efficacité interne des services et la performance de sa politique d’achat. La qualité des données produites, quant à elle, est critiquée au point de remettre en cause leur caractère accessible et réutilisable par tous.
5 futurs souhaitables communs aux différents acteurs de la commande publique
Face à ces obstacles de nature juridique, technique, économique et institutionnelle, les participants à la journée du 4 juin 2019 ont imaginé ce que pourrait être le futur d’une commande publique pleinement ouverte. Il s’agit, dans cette deuxième partie du livre blanc, d’imaginer les futurs souhaitables induits par l’ouverture des données de consultation et bénéfiques aux différents acteurs de la commande publique : acheteurs, opérateurs économiques, éditeurs de profils d’acheteurs, intermédiaires de services. Dans cette cartographie des futurs souhaitables, le parti a été pris de faire appel à quatre personnages fictifs : Marine, Laure, Éric et Bastien, pour mieux incarner les évolutions préconisées.
5 futurs souhaitables ont été imaginés à partir des contributions des participants :
- En 2022, les données ouvertes de la commande publique qui sont librement accessibles sur une plateforme centralisée (futur souhaitable 1) (marchespublics.data.gouv.fr).
- Cette ouverture des données de consultation a permis l’émergence de nouveaux services d’aide à la prise de décision (futur souhaitable 2)
- La commande publique est simplifiée et outillée de données standardisées (futur souhaitable 3)
- La donnée est devenue une partie intégrante des compétences professionnelles associées à la fonction achat (futur souhaitable 4)
- La commande publique ouverte évolue vers un modèle de gouvernance plus collaboratif et consultatif (futur souhaitable 5).
Comment tendre vers une commande publique pleinement ouverte ? Les 8 préconisations du livre blanc
Des travaux menés lors de la journée du 4 juin 2019 à Toulouse et de tous les constats dressés ci-dessus, ont émergé les huit préconisations suivantes à destination des décideurs et acteurs compétents.
Elles constituent un véritable plaidoyer pour une commande publique pleinement ouverte :
- Trouver un chef d’orchestre à l’ouverture des données de la commande publique ;
- Implanter la culture de l’open data dans toutes les sphères institutionnelles de la commande publique ;
- Faire évoluer la réglementation pour mettre en application l’ouverture des données de consultation ;
- Faire un inventaire des données de consultation à fort potentiel d’usage ;
- Harmoniser les formats des pièces administratives de réponse aux marchés publics ;
- Créer un cadre technique favorisant l’interopérabilité ;
- Créer un point d’accès national, marchés-publics.data.gouv.fr ;
- Créer un cadre de gouvernance multi-acteurs.
Chaque recommandation tient compte d’une demande formulée par au moins deux acteurs issus de secteurs différents, qui ont pu exprimer d’une même voix des problématiques ou des attentes jusqu’alors perçues comme isolées.
L’originalité de ce document réside à la fois dans son approche et sa méthodologie. L’ouverture des données de consultation est un enjeux encore émergent mais répond à une demande de terrain réelle. Ce livre blanc montre également le rôle central des territoires dans la mise en œuvre mais surtout dans l’impulsion des politiques d’open data.